C'était un début de soirée tout à fait banal. Doucement le soleil commençait à se coucher et on pouvait voir danser un peu plus loin les phares des voitures qui rentraient du travail. À cette heure-ci, beaucoup de passants arpentaient les rues en quête d’un bon restaurant, où ils pourraient manger un bon repas sans se ruiner jusqu’au dernier centime. Et pourtant, quelque chose ne tournait pas rond. Il y avait quelque chose de pesant dans l’atmosphère de cette ville. C’était à peine perceptible, comme une mauvaise note dans un concert de musique classique. Tout le monde le ressentait, mais personne n’était capable de dire d’où ça pouvait venir. Certains habitants accusaient les Pokémons d’être responsables de tous les maux de la commune. D’autres préféraient accuser la Team Opal, bien souvent à leurs risques et périls. Quand la cité semblait souffrir d’un mal nouveau, jamais l’avenir n’avait été si radieux pour Opal. Désormais, ils contrôlaient tout. Non seulement les médias, mais aussi les forces de l’ordre et la plupart des citoyens, grâce à une propagande basée sur la terreur et vantant la bonté de leur organisation qui ne voulait que le bien de chacun. Comme pour intensifier cette ambiance anormale, Ethan avait convié une de ses principales « têtes à abattre » à dîner en tête à tête avec lui, afin de mettre certaines choses au clair.

C’est à dix-neuf heures pile qu’Ethan pointa le bout de son nez. Pas une minute de plus, pas une de moins. Lorsqu’il poussa la porte de la brasserie, des effluves de plats de qualité vinrent chatouiller ses narines. D’un léger coup d’œil, il remarqua que la majorité des clients portaient des costumes sur mesure et des signes ostentatoires de richesse. C’est appliquant à la lettre les codes des bonnes manières et en gloussant de façon snob qu’ils dégustaient les mets se tenant devant eux. C’est sûr qu’avec son salaire de prof, il n’aurait jamais pu se permettre de manger ici, mais … Disons que son statut de commandant lui permettait quelques avantages, notamment une belle liasse de billets en plus à chaque fin de mois. C’était sans doute pour cette raison qu’il avait invité Nathanaël ici. Pour l’impressionner et essayer de lui prouver qu’il lui était supérieur à lui sur tous les plans. Après tout, un simple danseur ne pouvait se permettre de souper ici. À moins qu’il se sacrifie à manger des pâtes pour le restant de l’année.

— Oui, une réservation au nom d’Ethan Hudson et de Nathanaël Thorn … Oh, il est déjà là ? Très bien, conduisez-moi jusqu’à sa table.

— Parfait ! Veuillez me suivre.

Il était là, assis seul à une table et visiblement mal à l’aise. On aurait presque pu croire qu’il essayait de fusionner avec sa chaise, si son regard n’était pas si fuyant vers l’extérieur. Lorsqu’Ethan vit le simple verre d’eau du robinet face à Nate et l’expression gênée du serveur, il lui adressa un petit sourire semi-moqueur, semi-compatissant. Le même genre de sourire qu’on ferait au cousin handicapé d’une amie, ou à un mendiant à qui on refuserait de donner le sou.

— Bonjour, Nathanaël. Ne me dis pas que tu allais partir … Je viens à peine d’arriver. Annonça-t-il sur un ton sec et cassant faisant contraste avec sa voix qui était restée douce comme du marshmallow. J’espère que je ne t’ai pas fait attendre trop longtemps.

Tirant la chaise face à lui, Ethan en profita pour l'inspecter, au cas où son ennemi ait profité de son avance pour y glisser une punaise ou pour y étaler de la colle extra-forte. Mais rien. Il pouvait s'y asseoir en toute tranquillité et continuer de dévorer des yeux sa prochaine victime ... Paranoïaque, vous avez dit ? Mais non voyons, ce n'était qu'une simple mesure de sécurité.