Vlam ! Et voila... j'étais dehors. Un sac à dos avec Blue dedans, celui-ci recroquevillé au fond, sur une moelleuse couverture, et puis je portais aussi un autre sac dans mes bras, avec tout mon argent - c'est-à-dire pas grand chose - et de quoi me changer pour quelques jours. Et j'enfilais maladroitement ma veste en tremblant de froid, et d'énervement. Voila à quoi menaient tout les plus beaux efforts du monde ! Je me retrouvais viré de chez mes parents, alors qu'il allait faire nuit et que je n'avais aucun endroit où dormir...

Et tout ça pour quoi ? Une histoire de cours séchés à la con, et Blue. Oui, parce qu'ils détestaient les Pokemons plus que tout, et moi, même si j'en avais peur, ben j'aimais Blue. Et comme en plus je lui avait donné le nom du chien qu'ils m'avaient offert dans ma jeunesse, leur colère avait été noire et terrible. La dernière fois, j'avais essayé de fuguer. Comme quoi, le monde se renversait ! Mais bon, la dernière fois je m'étais aussi fait tabasser... donc j'étais pas trop rassurré.

Et puis j'aimais pas trop trainer dehors tout seul la nuit. Et puis... Je fouillais mes poches, les unes après les autres. Merde ! Où est-ce que j'avais foutu mon portable ?! De rage, je finis par jeter mon sac de vêtements à l'autre bout de la rue, avant de courir pour le récupérer, retrouvant mon portable dans la même seconde. Du coup, je pianotais au hasard dans mes contacts, jusqu'à-ce que le défliant s'arrête sur "Nate-chériii <3" ( on se passera de commentaires ). Je restais alors bloqué, silencieux, immobile - mis à part ce foutu tremblement.

Une minute. Il était quelle heure là ? Presque dix-huit heures... Lundi... Mardi peut être ? Mais MEEERDE ! Il allait venir ! Je refis alors la rue dans l'autre sens, en courrant, me démenant pour remonter avant qu'il ne sonne chez moi - vu que je n'y étais pas. Lui qui, en plus, s'était toujours proposé pour m'aider ! Et c'était le cas toujours ! Il était toujours là au bon moment pour me sauver les fesses. Et souvent là au mauvais moment à m'empêcher de soi-disant, faire une connerie. Mais dans un sens ça avait du être bénéfique aussi ... J'étais même retourné en cours ! Bon, pas tous, faut pas rêver non plus.

Et là, je venais de le voir tourner dans ma rue, et je bondissais littéralement pour le rattraper.

- Nate ! Ils m'ont jeté dehors, aide moiiii !

  L'un des plus gros problèmes lorsque l’on passe d’un salaire tout à fait convenable à un salaire nettement moins enviable, même si ça reste de l’argent bienvenu, c’est que l’on doit s’habituer à ne plus avoir droit à son petit confort. Petit confort habituel qui deviendrait presque un luxe. Pourquoi cette pensée alors qu’il marchait les mains dans les poches en se début de soirée, son regard balayant distraitement le décor environnant ? Car, il y a plus d’un an, il n’aurait même pas eu l’occasion de deviner quel programme affichait la télévision dans le salon de chaque maison vu qu’il aurait faite cette rue en moto. À noter qu’il y a un an, il n’avait aucune raison de venir s’aventurer ici à cette heure-ci. Sauf s’il avait du ramener ce presqu’adulte chez lui après une énième bêtise. Et maintenant, comble de l’ironie, le voilà qu’il l’aidait à faire ses devoirs. Il pourrait dire que comme ça il se faisait offrir le repas par les parents de Damon en guise de remerciement, mais ce n’était même pas cela. Il appréciait ce gamin. Il était même certain que quand il aura un peu gagné en maturité, il sera capable de faire de grandes choses dans sa vie. Mais pour le moment… Il avait parfois envie de lui en coller une. Mais que cela reste entre nous, hm ?

  L’ancien flic enfonça un peu plus ses mains dans les poches de son jean, levant le nez un instant vers le ciel. La nuit n’était pas encore tout à fait tomber, c’était l’une des heures qu’il préférait en cette saison. Quand quelques rayons de soleil se faisaient encore deviner, comme s’ils craignaient qu’on oublie leur existence. Raison pour laquelle le fait de devoir marcher une bonne demi-heure jusqu’à la maison de Damon ne le dérangeait pas encore plus que ça. Même si cela creusait. …Bon Dieu, il avait l’air d’un morfale dit ainsi ! Il eut un léger sourire et secoua la tête, bifurquant dans la rue avant de se figer en percevant cette voix ô combien familière l’interpeler de loin.

  ...Sérieusement ? Nathanaël se retourna, attendant patiemment qu’il arrive à sa hauteur alors qu’il dardait déjà un regard interrogateur sur lui. Ils l’avaient jeté dehors ? Comme ça, « pouf », et on n’en parle plus ? Il aurait pu lui demander ce qu’il avait encore faire pour motiver une telle décision, mais il préféra ne pas remuer le couteau dans la plaie. Surtout qu’une petite voix lui soufflait que ce n’était plutôt ce qu’il n’avait pas fait. Certainement pas mal de choses le connaissant, hm ?

  « …Oserais-je seulement te demander pourquoi ? »

  La question était purement rhétorique, pas besoin de bien le connaître pour le comprendre, cela s’entendait à merveille au ton de sa voix. Allez savoir pourquoi, il avait l’impression qu’il allait devoir lui prêter le canapé durant plusieurs nuits. Le temps de raisonner les parents en somme.

  « Je suppose qu’aller parler à tes parents là, maintenant, ne serait pas la meilleure idée que j’ai eue, n’est-ce pas ? »

  Certainement que non. Si ses géniteurs l’avaient flanqués dehors, c’est qu’il en avait eu assez pour une, à leur yeux, bonne réponse. De fait, autant faire profil bas durant quelques temps avant de tenter quoi que ce soit. Du moins, il le pensait… Quant à savoir s’il avait raison, ça, c’était une toute autre histoire.

- …Oserais-je seulement te demander pourquoi ?

Je restais silencieux. C'était vrai qu'il devait avoir l'habitude, maintenant, au vu du nombre indéterminé de conneries que j'étais capable de faire. D'ailleurs, à mes yeux, elles n'étaient pas vraiment graves ou importantes. Je n'avais jamais eu vraiment l'impression de mal faire, ou de ne pas faire assez. Une des raisons pour lesquelles je ne comprenais jamais les punitions ni les impairs que je faisais. Même là, cela restait flou. Selon moi, je n'avais vraiment rien fait de mal, car mes notes étaient remontés - j'avais travaillé JUSTE pour leur faire plaisir - et mon comportement s'était amélioré - tout les professeurs le disaient. Les parents, c'est jamais content.

- Je suppose qu’aller parler à tes parents là, maintenant, ne serait pas la meilleure idée que j’ai eue, n’est-ce pas ?
- Tu peux m'héberger ce soir ? ... et demain ?

Je n'avais de toute façon pas vraiment à lui expliquer laquelle des choses qu'on me reprochait - injustement ! - était en cause. Ou, du moins, je n'avais pas envie de lui expliquer avant de me caler tranquilement sur un canapé, au chaud, avec un steak ou une bonne assiette de pâtes... d'ailleurs...

- Je paye et fait à manger ce soir, si tu veux.

Qu'est-ce que je n'allais pas faire pour le convaincre ? Je l'aurais supplié à genoux pour qu'il accepte, surtout que je n'aimais pas trop emmener Blue chez mes amis. Mais Nate, lui, me comprendrait, et ce n'était pas pareil avec lui. Tout était différent avec Nate. Pas toujours comme je l'aurais souhaité - il fallait quand même qu'il agisse comme l'adulte responsable qu'il prétendait être - mais toujours juste.

- ... Et demain aussi...

Oui, c'était quelque chose qui sentait comme le " alleeeez dit oui ! dit oui ! dit ouiii ! " qui avait tendance à insupporter souvent les adultes. A moins qu'il ne prenne ça pour une supplique terriible. Mais après tout, je pouvais aussi me trouver du boulot, arrêter les cours, et payer une partie de son loyer, le tout arrangerait alors lui, et moi, et puis...

... et puis j'allais arrêter de faire des plans sur la comète, et attendre d'avoir trouvé un logis pour quelques jours.

  Son silence répondait pour lui à merveille… Non, il n’allait pas lui expliquer le pourquoi du comment. Et de fait, inévitablement, son esprit se mit à suggérer un tas d’hypothèses sans lui demander son avis. Avait-il ramené une mauvaise note qui avait désespéré ses parents au point qu’ils décident de le flanquer à la porte ? Hm, impossible. Vu comme il prenait le temps de lui donner des leçons lui-même, il en aurait très certainement été informé dès ladite note reçue. Donc, cette première hypothèse était à bannir. Vu la manière dont il esquivait sa dernière question en y répondant par une autre, il avait tendance à imaginer pire encore. S’il ne connaissait pas aussi bien le jeune homme, il aurait clairement pu s’interroger sur la possibilité qu’il trempe dans des histoires louches. Drogues, alcool, petites créatures bizarres qui n’avaient rien à faire sur Terre, mais… Nooon, Damon a beau ne pas avoir beaucoup de chance et être un peu rebelle sur les bords, ce n’est pas un mauvais gamin. Du moins il l’espérait.

  Enfin… Il le questionnerait sur tout ceci un peu plus tard. Dans l’immédiat, ce qui le tracassait, c’était sa demande d’hébergement. Comme il l’avait deviné un peu plus tôt, son canapé allait être occupé dans les jours à venir, car il n’allait bien évidemment pas le laisser dehors alors qu’il se sentait responsable de lui à force de le tirer de mauvais pas et de l’aider à l’occasion. Le pire, c’est qu’il était certain qu’il pourrait tout à fait se débrouiller seul pour un tas de choses s’il s’en donnait la peine. Mais avec des « si », on refait le monde.

  Juste quand il allait ouvrir la bouche pour lui dire que c’était d’accord à condition qu’il continue à aller en cours normalement, il ajoute sa proposition de payer et faire le repas. Si sa fierté le poussait à décliner, sauf pour le fait de faire à manger vu qu’il savait qu’il adorait le faire, son portefeuille de plus en plus vide en revanche… Vous voyez, cette image avec le petit ange qui se tient à droite et prône la raison, contre le petit diablotin qui se frotte les mains d’avance ? Eh bien, c’était exactement cela en cet instant.
  Comme dirait Oscar Wilde : « Le meilleur moyen de résister à la tentation, c’est d’y céder. ».

  « Ça marche pour moi… Mais je te préviens, mon canapé n’est pas des plus confortables. Enfin, si, mais pour dormir tu risques d’avoir un peu mal au dos demain. »

  Il lui adressa un sourire d’excuse, songeant que c’est dans ces instants-là qu’il regrettait de ne pas avoir une chambre d’amis, voire un canapé clic-clac. Même si cela serait assez embêtant de le replier à chaque fois. Enfin, pour une solution provisoire cela devait le satisfaire. Car bien sûr, il n’avait pas la moindre idée que le jeune homme se mettait déjà en tête de s’installer dans son modeste appartement.

  « Tu veux aller faire les courses ce soir, ou tu improviseras avec ce qu’il y a chez moi et on s’en occupe demain ? »

  Une chance qu’il ne travaillait pas cette nuit, cela lui laissait la possibilité de veiller à ce qu’il s’installe bien et aussi de pouvoir discuter posément de ce qu’il s’était passé. Il sera peut-être plus enclin à lui répondre autour d’un bon repas plutôt que dehors près de chez lui.