Cinq heure du matin, c’est l’heure à laquelle je me suis levée ce matin au chant du coq de la pension, Rooster. Quel charmant nom pour un coq que son homologue anglais. Au départ, son nom avait été roaster, mais ce n’était pas très gentil pour lui comme pour les poules qui vivaient dans le poulailler. J’avais donc décidé de le rebaptiser Rooster. C’était le seul mâle de la basse-cour et c’est aussi bien comme ça. La dernière fois qu’un autre coq avait été de passage à la pension, disons que Rooster s’était fait un plaisir de le déplumer. Mais assez parler de mon coq, il était temps que je me lève et rapidement, sinon je vais me retrouver en retard sur l’horaire et il n’y avait rien de pire que d’être en retard lorsque l’on était en manque de main d’œuvre.

M’asseyant dans mon grand lit, je me frotta les yeux puis attrapa en soupirant la liste «to do» qui trônait sur mon bureau. Mes yeux parcoururent rapidement les quelques vingt items qui s’y trouvaient, me narguant en me disant que je ne parviendrais peut-être pas à tout faire pour le coucher du soleil. Et ce n’était même pas une liste exhaustive!!! Les cinq premières choses à faire étaient assez simples et je devrais m’en sortir.


Soupirant un peu plus bruyamment, je me leva enfin, enfilant une salopette en jeans par-dessus une chemise carottée rouge à rayure blanche. L’habit traditionnel de la femme qui vit sur une ferme. Bien sûre, j’aurai pu mettre autre chose pour ne pas passer pour quelqu’un tout droit sortie de la campagne, mais le fait est que je sors tout droit des champs et des bâtiments servant à l’entreposage de diverses ressources fermières. Et à vrai dire, je me foutais éperdument de ce que les gens pourraient bien penser de moi. J’ai une ferme à faire fonctionner et c’est le plus important dans ma vie pour le moment. Je le fais par amour de cette petite pension, mais également pour faire perdurer mon rêve et celui de mes parents!

Passant en coup de vent dans la cuisine, j’attrapai une pop tarte aux bleuets qui restait dans mon garde-manger et me dirigea vers le poulailler. Ce n’était pas vraiment un bon déjeuner alors que la journée s’annonçait longue et dure en labeur, mais je n’avais pas le temps de perdre plus de temps à me faire un déjeuner digne de ce nom. Et puis, si les hommes avaient inventé les pop tartes, c’était bien pour remplacer les déjeuner de ceux qui n’avaient pas le temps d’en prendre des vraies non?

- ELENA!!!

Un meuglement me répondit sur la droite alors que j’arrivai en face du sanctuaire aux poulettes. La vache d’une belle couleur rosée trottina dans ma direction en secouant la tête de gauche à droite lorsqu’elle vit le vestige de mon petit déjeuner. Ne portant pas attention à son comportement réprobateur, je lui lançai une consigne à réaliser, rien de bien méchant bien sûre, la même que tous les matins depuis ce qui me paraît une éternité.

- Tu peux aller sortir les locataires de leur enclos tandis que je ramasse les œufs et vais traire les vaches?

Comme à l’habitude, le pokémon ne me répondit pas verbalement, on en avait plus vraiment besoin à ce stade de notre relation. Elle se contenta de se diriger vers l’étable qui contenait les stables où je mettais les pokémons locataires en sureté pour la nuit.

- Bon maintenant, ne pas casser d’œufs!

Et c’est ainsi que commença une inième journée dans ma vie de jeune femme indépendante et propriétaire d’une ferme, alias pension pour pokémon. Et elle était loin d’être terminé.

***

- Pff!!!

Je ressortais enfin de l’appartement de Madame Geoffrey. Je venais simplement lui porter sa commande et elle m’avait entraîné dans une histoire sur son père qui avait fait la guerre et comment il avait, avec son bataillon sauvé la situation sur les côtes de la France. Une histoire qui ne me dérangeait pas d’écouter… Même si cela faisait la treizième fois que je l’entendais, mais le fait de mon énervement, c’est les minutes de mon temps qui viennent de s’envoler pour de bon. Au moins trente minutes de moins pour finir la liste, il n’y restait guère d’éléments, mais ce n’étaient pas des choses qui se réglaient en deux minutes non plus.

- Bon, où j’ai garé le camion déjà?

Je regardai les alentours, cherchant la camionnette rouge délavée que j’utilisai pour les livraisons. Enfin, je me souviens que je l’avais parqué de l’autre côté du parc, les stationnements de ce côté-si étant couru et assez serré, j’avais préféré la stationner plus loin. Enfonçant mes mains bien au fond des poches de ma salopette, je m’élançai dans le parc. Tournant le coin d’un arbre, je fus arrêtée par un jeune homme au regard désespéré. Il agitait sans cesse devant moi, un appareil mobile où figurer la photo de ce qui ressemblait à un Saint-Bernard.

- Vous avez vu mon chien ?

Trente secondes pour remettre de l’ordre dans mes pensées et me dire que j’allais définitivement trouver cette journée très longue, je me penchai un peu plus sur l’image que me montrait cet inconnu. Non, je n’avais pas vu son chien… Mais cet homme semblait si désespérer que je ne pouvais décemment pas le laisser dans cette situation… Et si jamais son chien était vraiment perdu ou pris quelque part… J’allais regretter à coup sur cette perte de temps et j’allais peut-être m’attirer des ennuis en interagissant avec le monde, mais je ne pouvais pas laisser quelqu’un en détresse dans le besoin.


- Non, je n’ai pas vu votre chien, mais je peux vous aider à le trouver si vous voulez? Il se nomme comment?

Au moins j’allais commencer avec un indice me permettant de retrouver son cleb. Avec son nom, j’étais déjà plus avancé qu’avec rien… Même si ce n’était pas grand-chose.

Je venais de lui proposer mon aide… Moi qui avais encore tant de chose à faire aujourd’hui. Que Dieu me vienne en aide sinon j’étais bonne pour ne pas me coucher avant que la lune est atteinte son zénith. Je le fixais, attendant une réponse à ma question, réponse qui tarda à venir. Pendant un instant mon cerveau s’amusa à s’imaginer que l’homme qui se trouvait devant moi n’était plus qu’une statue de cire figé dans une ultime expression de surprise. Comme quoi, dans notre décennie, accepter de venir en aide à notre prochain était une blague très surprenante et rigolote. Enfin, il sembla revenir sur terre et m’adressa, avec beaucoup d’émotion, une réponse. Son chien se nommait Seth. Je pris quand même la peine de vérifier si j’avais bien entendu.

- Seth, c’est bien ça?

De nos jours, les hommes donnaient des noms de plus en plus étranges, voire vantard à leurs animaux de compagnie. J’avais entendu de ces drôles de nom à la pension, lorsque je gardais parfois des chiens ou des chats. J’avais eu des Napoléon, des César, des Cléopâtre et j’en passe. Tant de grands noms pour se faire accroîre que notre animal est exceptionnel. Pour ma part, je préfère, et de loin, des noms qui les humanise, c’est-à-dire des noms que l’on emprunte à mon espèce l’être humain. C’est pourquoi j’avais décidé d’appeler mon Ecremeuh Elena, la trouvant parfois plus humain que beaucoup de gens que je côtoie de près ou de loin. Enfin, tout cela est pour dire que je trouvais assez amusant et un peu déplacé d’appeler son animal de compagnie du nom du Dieu égyptien de la mort. Il ne fallait pas y voir de mauvais augures.

- Je ne crois pas qu’il soit très loin d’ici. Il doit avoir flairé la piste d’un écureuil ou d’un lièvre. Ne vous inquiétez pas, nous allons le retrouver rapidement.

Et me voilà à déblatérer une litanie de mots alors que j’aime particulièrement le silence. Tout cela pour quoi? Pour le soulager un peu de son inquiétude grandissante. C’est vrai qu’il pouvait arriver toute sorte de choses à son chien dans cette ville, mais contrairement à certaines autres grandes villes du pays et de ce monde, il était plutôt bien tomber. Les pires des cas à envisager son l’enlèvement canin ou le fauchage par une voiture, et cela, je me gardais bien de lui en faire pars ne voulant pas l’inquiété d’avantage. Et je me doutais que son imagination était assez fertile pour faire pire comme scénario.

- Je m’appelle Alexie…

Pas de «enchantée de te rencontrer» ou toutes autres expressions toutes faites, je n’en avais pas besoin. Ce n’était pas vraiment une situation où l’on était heureux de faire la connaissance de l’autre. Cette situation se représentait plutôt comme quelqu’un qui acceptait de porter secours à quelqu’un qui avait besoin d’aide. Voilà tout!
- Est-ce qu’il connaît certains commandements de base?

Après tout, si je le retrouvais, ça pourrait être utile de savoir ce que cette boule de poils format géant connaissait comme consignes. Néanmoins, je regardais un peu partout, laissant Elijah appeler son chien, certaine qu’il répondrait plus à son nom crié par la voix de son maître que crié par ma voix de pure inconnue. Mon regard cherchait à percer les profondeurs des buissons environnant, espérant y voir une touffe de poils pouvant indiquer la présence d’un animal ou alors son passage.

- C’est la première fois qu’il se sauve ainsi?

Toujours, il semblait perdu alors que nous marchions en cherchant son chien. Au moins avait-il eu l’obligeance de répondre à mes quelques questions. Comme ça, son chien connaissait les commandements de base, mais n’était pas méfiant que si on le prenait avec douceur… J’allais devoir me creuser la tête pour voir où il voulait en venir avec douceur. Soupirant, je continuai ma recherche, fouillant le paysage monotone de verdure et de visages impassibles qui ne semblaient pas se rendre compte de la scène de drame qui se passait devant eux.

Peu de temps après, le jeune homme répondit à ma deuxième question. En effet, c’était la première fois que son chien s’éloignait assez de lui pour se perdre où plutôt échapper à la surveillance de son propriétaire.

- Je vois, dans ce cas, on devrait bientôt le retrouver. Ne vous inquiétez pas.

Encore une fois, j’essayais de réconforter mon camarade de fouille alors que ce n’était pas du tout dans mes habitudes. Roulant des épaules vers l’arrière, j’entendis quelques vertèbres craquées avec un bruit quasi inaudible. Donc en plus de faire des heures de bénévolat non prévues dans mon horaire déjà surchargé par les travaux à faire à la ferme, j’étais en train de faire monter la tension dans mes muscles. Joie!

Au travers des aboiements qui résonnaient de temps à autre dans le parc, je vis Elijah se tendre et regarder dans une direction. Mon interrogation ne dura pas longtemps, car il s’exclama aussitôt que c’était son chien qui venait d’aboyer. Pourtant malgré le fait qu’il venait de reconnaître la voix de son chien, le jeune homme ne semblait pas pris de presse de bouger.

- Alors on y va avant qu’il décide de se cacher ailleurs?

Encore des mots. Ça faisait longtemps… Enfin, je ne voulais pas passer la nuit ici et il fallait bien que je l’encourage à aller voir ce qui se déroulait de l’autre côté du chemin que nous avions pris. Sans attendre une réponse de sa part, j’attrapai son bras et le tira dans la direction d’où nous était parvenu l’aboiement.

- Plus vite on retrouve Seth, plus vite on pourra comprendre pourquoi il s’est éloigné de vous et n’est pas revenu tout de suite lorsque vous l’avez appelé!

Me forçant un peu, je lui fis un sourire encourageant tout en continuant de le tirer à mes côtés. Une chance qu’Elena n’était pas là, sinon elle se serait moquée de moi et de mes airs de comédienne.