Could you be the devil, could you be an angel ? ♪

  La fourbe.

  Nul besoin d'aller chercher bien loin pour comprendre ce qui valait à une certaine blondinette une telle appellation. Il suffisait de baisser les yeux sur l'écran du téléphone de Nathanaël, pour comprendre. Ce dernier affichait, avec un zoom pas assez important aux yeux de son propriétaire - ce qu'il n'avouerait jamais à voix haute -, une Hannah dans une posture des plus délic... allumeuse. Hm. Pour un peu, il en aurait oublié de lire le message qui accompagnait le cliché ! Pestant contre lui même d'être aussi vite distrait par quelques courbes alors qu'il en voyait chaque soir vu son travail, il fit défiler ce dernier avec une mine de plus en plus interloquée.

  « Comme si le fait d'être bourrée justifiait tout...»

  Il avait marmonné ces quelques mots d'un ton désespéré, levant les yeux au ciel un court instant avant de se pencher sur le reste. Sa façon de représenter Beth le fit sourire intérieurement, alors qu'il se surprit à se demander si c'était à cause de ses... hn, arguments qu'elle était certaine qu'il n'avait pu l'oublier. En fait, ce n'était pas tout à fait faux. Mais bref !
  Le terme « gueule d'ange » en revanche lui arracha une réelle expression amusée, et médusée à la fois. Elle ne changeait pas, et cela faisait plaisir à voir. Lire, en l'occurrence. Après une brève hésitation, son pouce glissa sur la touche « répondre ».

Nouveau SMS à : Hannah Comme si tu avais besoin d'être bourrée pour faire ce genre de choses... Cela étant dit, ne regrette rien, tu illumines ma nuit à toi seule ♥ Des dizaines, dis-tu ? Je serai curieux de les voir. Enfin... si tu oses, bien sûr !

  Qu'elle lui pardonne la petitesse de ce message, mais il n'avait pas exactement les moyens de souscrire à un abonnement avec les SMS et autres MMS illimités. De plus, cela lui permettait d'éviter le sujet sur son silence depuis des mois. N'était-ce pas parfait ? Par contre, il aurait peut-être du éviter de jouer le jeu... Hm, trop tard. Et puis, peut-être dormait-elle vu l'heure ? Et surtout, depuis le temps, elle le connaissait.

  Sans cesser sa progression vers le parc, il rangea son téléphone dans sa poche non sans repenser à certains vieux souvenirs qu'il se hâta de renfermer sous clé dans un coin de son esprit. C'est bête à dire, mais si ses souvenirs étaient merveilleux, ils lui rappelaient douloureusement qu'il avait également perdu toute chance d'en revivre de semblables. On lui disait souvent « Ta curiosité te perdra ! », mais avant ce jour-là il n'avait jamais mesuré pleinement l'ampleur de la perte.

Beth Beth Beth... Elle ne me connaissait que sous mon identité de Rose. Et c'était peut-être parce que Beth était la jeune indic qui nous avait préparé au terrain lors de ma dernière couverture avec Nathanaël, mais je l'aimais bien. En fin de compte. Parce que oui, au départ, ce n'était pas ça, ce n'était même vraiment pas ça. La première fois, elle l'avait regardé, elle et son décolté si plongeant qu'il me donnait le mal de mer, et lui n'avait pas hésité à la dévisager – entre autres... Chose qui m'avait rendue jalouse, peut-être parce que je jouais mon rôle, peut-être pas, mais on peut être jaloux de tout et n'importe quoi, c'était seulement que dans le rôle de Rose, je n'avais pas à cacher, il me suffisait de surjouer. Bref. Et pour la faire courte, après le départ – je préfère dire Départ, si ça me chante – d'And... Nathanaël, si j'avais perdu le contact avec lui, pas avec elle. Beth s'était montrée adorable, enfin, autant qu'une femme qui charmait les hommes en un regard pouvait l'être. Je l'avais détestée. Et puis un soir, j'avais bu, elle m'avait ramenée chez elle, et puis... les choses étant ce qu'elles sont, ma relation quant à Beth a pris un tournant réellement inattendu. On ne sortait pas ensemble, disons que nous étions de très bonnes amies qui n'hésitaient pas à se voir quand on s'ennuyait et pas toujours pour parler de garçons.


Et pour être plus brève, ce soir là, elle avait pour la première fois évoqué le sujet de Nate. C'était un sujet qu'elle s'était appliquée à éviter pendant des mois et des mois. Et pour la première fois, je pense que j'ai été chamboulée. Personne n'osait m'en parler, moi même je n'osais pas y penser, ça avait été comme un deuil, j'étais passé par tous les stades, mais je n'étais toujours pas à la résignation. Bref, elle m'avait fait boire, enfin, en réalité elle avait bu avec moi, mais vu sa façon de tenir l'alcool et la mienne, il est plus juste de dire que c'était moi qui était légèrement pompette, et pas elle. C'est là qu'elle a eu la merveilleuse idée d'illustrer ce qu'il avait perdu, ou du moins pas vraiment obtenu. Et c'est là que je me suis dit que Beth était folle. Seulement, mes inhibitions perdues, je me suis lancée, sans hésiter une seule seconde, dans son appartement, elle avait une pièce qu'elle gardait pour faire ses photos, et sincèrement, je ne préférais même pas savoir quels types de photos et de vidéos.

Bref, j'avais joué le jeu, une chose en entraînant une autre, j'avais envoyé le message, ne réfléchissant à mes mots vraiment que dans un état second. Quand j'eus reçu sa réponse, ma première réaction fut très simplement celle du choc. En fait, il fallait réellement que je lui envoie des photos bien trop dénudée pour qu'il daigne me répondre ? Après plus de sept mois d'absence ? J'aurais parfaitement pu me mettre en colère, ça aurait même été légitime, mais en fait, je m'étais mise à sourire. Et puis j'avais commencé à répondre, quelques mots, puis quelques phrase.. Enfin, vous connaissez la chanson.

Nouveau SMS à : Nathanaël Jackpot, une réponse ! Tu as de la chance, ou en fait non, je suis encore capable de me rendre compte de ce que je fais, tu peux toujours courir pour avoir les autres... Tu n'aurais plus de respect pour moi sinon. Encore faudrait-il qu'il t'en reste encore un peu après celle ci... Toujours est-il que je ne te conseille pas de me mettre au défi sur ce sujet.

Allongée sur le rebord de la fontaine dans ma tenue qui n'avait rien de celle d'un flic en uniforme, j'avais envoyé le message et m'étais remise à observer les étoiles dans l'immensité du ciel découvert. Je me forçais à lire le message dans ma tête, et à y porter un ton léger, un ton amusé et insouciant, pas le ton de Rose, en tout cas. Même si parfois j'avais beaucoup de mal à savoir où elle commençait, et surtout où elle s'arrêtait, je savais que toutes ses préoccupations tournaient autour d'une seule et même personne... Je vous le donne en mille, évidemment, c'était Nate. Chose fatigante pour moi, mais après tout, contrairement à ce que je continuais de revendiquer, Rose était moi. Alors, je me fatiguais toute seule ?

  Pour être tout à fait honnête, il ne s'attendait pas à une réponse de sa part avant le lendemain, persuadé qu'elle dormait ou qu'elle décuvait à l'heure qu'il était. Raison pour laquelle il ne put s'empêcher de sursauter lorsqu'il sentit son portable vibrer dans sa poche. Dire qu'à une époque, c'était habituel... Son téléphone qui sonnait à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit pour l'informer d'une quelconque urgence dans la ville. À bien y réfléchir, il pourrait reprendre cette vie. Il lui suffirait de quitter la ville et de se faire engager ailleurs. Un autre nouveau départ... N'était-ce pas en réalité un moyen de prendre la fuite ? Très certainement que si. Raison pour laquelle il chassa aussi vite que possibles ces sombres pensées de son esprit, extirpant son portable de la poche étroite de son jeans sombre afin de lire la réponse de sa petite blonde préférée.

  Tiens tiens... Il semblerait que désormais, elle ait décidé - ou ait assez dégrisé - pour se la jouer prudente. Pour son plus grand plaisir, il est vrai que si elle avait envoyé directement les clichés cela n'aurait pas été aussi amusant. Car bien sûr, malgré ses pensées précédentes comme quoi il ne devrait peut-être pas jouer à ce genre de jeu avec elle, c'était plus fort que lui. Et cela serait encore plus étrange s'il n'agissait plus de la même façon avec elle. Et puis, pourquoi se prenait-il la tête, hm ? Il ne s'agissait « que » d'Hannah, partenaire, vieille amie et femme absolument exceptionnelle qui avait eu l'immense honneur de partager son lit durant une nuit. Enfin, celui d'Andreas, qu'il ne commence pas à s'embrouiller lui-même.
  Oui, voilà, elle n'était rien de plus. Et surtout, rien de moins. Alors, elle ne méritait pas qu'il se comporte plus froidement avec elle sous prétexte qu'il avait dérapé.

Nouveau SMS à : Hannah C'est bien ce qu'il me semblait, tu n'as pas assez de cran pour cela. Ce n'est pas bien d'agiter une friandise sous le nez d'un enfant avant de la lui refuser, Hannah ! Toujours est-il que je te rassure sur un point : tu ne perdras pas mon respect pour si peu, tu as bien le droit de t'amuser un peu ! ... ... ... Tu es sûre, même pas une seule petite dernière ? Même si je t'en envoie une en échange ? ♥

  La comparaison avec un enfant n'aurait su être mieux choisie : c'est exactement ce genre de frustration qu'il ressentait, là. Enfin... En rien plus adulte tout de même. D'ailleurs, de base, il avait failli mettre « un nouveau jouet » à la place de la friandise, mais cela aurait pu être plus vite mal interpréter. Il faut dire que son esprit avait vite tendance à souligner ce genre de choses, de fait... Autant éviter un quiproquo de plus avec elle. ...
  Sérieusement, il disait ça alors qu'il insistait plus ou moins subtilement pour qu'elle lui envoie d'autres photos ? Trop tard, son pouce ripa sur la touche « Envoyer » alors qu'il voulait vite changer la teneur de son message. Mince... Advienne que pourra, comme on dit !

Attendez une seconde, je reprends. D'abord, qu'est-ce que je fichais sur le rebord d'une fontaine, toute seule, en plein milieu de la nuit, alors que mon récit s'arrêtait au « studio photo » de Beth ? Alors là, c'est une histoire qui est encore un peu floue dans ma tête, mais d'après ce que je me souviens... J'étais avec elle, j'ai envoyé le message, elle a reçu un appel, et plus tard un mec est arrivé. Le genre de mec par excellence que Beth adore et que je déteste, naturellement. Bref, j'ai décidé de filer en douce, même si elle était quasiment en train de m'acheter parce que je semblais plaire à son ami. Erk. Sûrement pas. Ça doit d'ailleurs être assez proche de ce que j'ai pu lui dire. Elle m'a dit d'être sage, et je suis partie. Attendez... Elle m'a laissée partir dans cette tenue, avec trop d'alcool dans le sang pour être raisonnable et surtout avec l'ombre de Nathanaël qui errait... Au moins dans ma tête ? Ce n'était finalement peut-être pas une si bonne amie.


Bref, mon portable vibra, et franchement, cela m'arracha un nouveau rire. Vous savez, le genre de rire qu'on ne contrôle pas et avec lequel on manque de s'étouffer ? Exactement. Mais je m'en sortis sans réel dommage. Heureusement. J'étais en train de jouer avec les jets de la fontaine du bout des doigts, alors cela me sortit de mon espèce de torpeur nostalgique. Enfin, pas si nostalgique que ça, j'avais trop de vodka dans le sang pour pouvoir réellement avoir des pensées construites. Vous savez quoi ? La façon qu'il avait de négocier... Ben moi je trouvais ça adorable. Mais voilà, il y avait un couac. Enfin, un … Enfin vous savez. Mais tant pis, je laissais glisser mes doigts sur les touches. Ne dit-on pas qu'il vaut mieux attendre quelques minutes avant de répondre à un message, et surtout ne pas y répondre lorsqu'on est pas dans l'état de le faire ? J'avais donné la couleur dès le début, alors tant pis.

Nouveau SMS à : Nathanaël Tu sais, tu as déjà une photo de retard, alors n'en demande pas trop ! Mais tu es convainquant, tu es convainquant... Oh, je m'amuse, je ne dis pas le contraire, mais je pense offrir assez d'amusement pour toi aussi. Je me trompe ? Attends... Une sucrerie ? Tu es sérieux ? Ça me fait penser que la crème de corps de Beth sent vraiment le bonbon... Comment je le sais ? J'aurais éventuellement une vidéo à te donner, mais si je le fais, il faudrait que je change de pays, de visage, et en fait simplement d'identité.

Je ne pris même pas la peine de relire mon message. A quoi bon ? De toutes façons, quand j'aurais réellement désoulé, je m'imaginais en train de regretter et de pester contre moi même. Sauf qu'actuellement, ça m'amusait réellement. Beaucoup. Beaucoup. Beaucoup... Trop.

  Cette fois, il avait bien gardé son portable en main après avoir envoyé le SMS qu'il aurait du mieux prendre la peine de relire avant. Il avait beau se dire que ce n'était qu'un petit jeu, une petite voix lui soufflait qu'il ne servait à rien de se voiler la face plus longtemps. Ce « jeu » aurait été moins prise de tête si cela en avait été réellement un. Qui plus est, on s'assurait d'abord que la personne avec laquelle on s'amusait avait bien conscience que... ... Seigneur qu'il se fatiguait. Poussant un soupir à fendre l'âme, il glissa ses doigts entre ses mèches pour essayer d'y remettre un semblant d'ordre tout en clarifiant ses pensées. Il était clairement en train de faire du charme à son ancienne partenaire. Celle-la même avec laquelle il s'était juré il y a quelques mois de ne plus avoir aucune situation qui pouvait prêter à confusion avec elle. Du coup il ne l'avait plus vue depuis longtemps. Enfin, en vrai. Car pour être honnête, il lui arrivait de rêver d'elle. De ses taquineries, de son sourire, quelques fois d'un peu plus que tout cela.

  Sauvé par le gong ! Il fut bien obligé de couper court à ses réflexions lorsqu'une légère vibration dans sa main droite le ramena à l'instant présent, ses pas le guidant par automatisme un instant plus tôt. Plus hâtif qu'il ne l'aurait cru de lire sa réponse, il manqua de tout bonnement supprimer le message au lieu de l'ouvrir. C'eut été fâcheux... Surtout de lui expliquer ensuite « Navré, fausse manœuvre, j'ai supprimé ton SMS. Tu me le renvoies ?", le tout en essayant de ne pas perdre sa fierté en chemin. Surtout qu'il y avait une petite chance pour qu'il y ait une pho... Ah, faux espoir. Ce qui était peut-être mieux. Quoique... La nuit avait été longue pour lui, surtout qu'il n'avait pas pu dormir de la journée à cause d'une maudite créature qui avait essayé d'attirer son attention par tous les moyens possibles et imaginables. Cet espèce de Caninos...
  Hm, une vidéo ? Réellement ? Là, le seul mot qui lui venait, c'était coquine.

  « Tch... »

  Autrement, elle ne se trompait pas, l'amusement était là malgré ses règles comme quoi il ne devrait pas trop jouer sur ce terrain-là avec elle. Ni avec personne, n'est-ce pas ? Pas quand il y avait un risque que cela ne devienne trop réel. Alors il secoua doucement la tête pour essayer de se sortir de cette torpeur qui était sienne depuis qu'il avait bifurqué pour emprunter la rue qui menait au parc. Puis il entreprit de répondre avec un léger sourire aux lèvres.

Nouveau SMS à : Hannah Hmm... Je t'avoue que je n'ai plus des masses de crédits, là. On pourrait se retrouver quelque part, qu'en dis-tu ? On verra si tu es toujours capable de me refuser quoique ce soit en me regardant dans les yeux, Hannah.

  On pourrait croire qu'il se contredisait, mais ce serait très mal le connaître. D'une, face-à-face il pourrait mieux juger de ce qu'il pouvait se permettre ou non, car se brider était l'une des choses qu'il détestait le plus faire. Mais en plus, son crédit risquait fort de le lâcher en plein milieu de la conversation, ce qui serait peu enviable. Rapide, il composa un code sur son clavier, attendit quelques secondes puis sourcilla. Quatre-vingt-quatorze centimes. Hn. Il avait intérêt à vite convenir d'un rendez-vous avec elle. Bien sûr, il ne pouvait pas savoir qu'il sera de toute manière obligé de passer devant elle pour rentrer chez lui...

Cette situation était amusante lorsqu'on y repensait. Enfin, tout était relatif ; la situation tragique d'une relation sans réel passé et sans espoir d'avenir. Pfff. Je me faisais vraiment de la peine à sortir de belles phrases poétiques, parfois. Souvent, à vrai dire. Trempant mes doigts dans l'eau de la fontaine, j'attrapais le téléphone pour y lire son message. Il était rapide, trop rapide si vous voulez mon avis. Vous ne le voulez pas ? Zut. Est-ce qu'il faisait autre chose ? Est-ce qu'il était seul ? Son message me le valida, un face à face ? J'aurais pu avoir un moment de panique, oh oui, j'aurais pu... Sauf que ce n'était pas encore le cas. Même si il était probable que cela vienne d'ici peu. Il fallait établir un contact, visuel, sans parler de physique. J'en étais presque retournée. Dans le sens où je ne l'avais pas vu depuis si longtemps... Je me demandais sincèrement si cela était une bonne idée.


Et il y avait aussi le problème du rendez-vous, où se rejoindre ? Autant que je m'en souvienne, il n'était jamais venu chez moi, n'est-ce pas ? Toujours était-il que je commençais sérieusement à me demander ce qu'il avait derrière la tête. Oh, je pense que j'avais appris à connaître Nathanaël sur certains points depuis le temps. Mais il avait pu changer ? En tout cas à cette époque, il me semblait qu'il ne faisait pas quelque chose sans y avoir réfléchit. Il aurait dû essayer pourtant, ça ne lui aurait pas fait de mal. Se décoincer un peu. Tsss... Bref, j'étais en train d'hésiter sur le lieu, j'avais déjà au moins recommencé mon message une dizaine de fois, et je commençais tout simplement à songer que si j'étais si hésitante, c'était un signe qu'il ne fallait pas que je réponde. D'un côté, il fallait bien avouer que j'étais à deux doigts du faux pas. Alors du calme, Hannah.


Mais voilà, il y eut des pas dans la rue qui me sortirent de mes quelques pensées qui commençaient sérieusement à devenir déplacées, si vous voyez ce que je veux dire... Cependant, je m'abstins de partir en courant ou de me cacher. EUKÉ... Vu la tenue, j'aurais sans doute dû, mais on me pardonne ? Non ? Hé bien j'ai toujours l'excuse de la quantité d'alcool qu'il y avait dans mon sang. Même alcool qui faisait battre ce sang dans mes tempes trop fort et tout ce que j'arrivais à me dire, c'était : « C'EST COOOOOOL ! », no panic, no stress. Désespérant, je vous l'accorde. On aurait clairement dit que j'avais fumé. Bref. Mon premier – et seul – réflexe fut de me redresser sur coudes, téléphone sur le ventre. J'attendis que les pas soient au plus proche, j'en avais des frissons. Et puis, il y eut un moment de flottement, soit les pas ralentissaient, soit... C'était surtout mon cerveau qui ralentissait. AHEM. Je me surpris à retenir ma respiration. Stupide, n'est-ce pas ? Et puis... Mes cordes vocales furent plus rapides que le reste de mon corps, et de mon esprit.



Bof. On aura vu mieux comme réplique, n'est-ce pas ? Mais inconsciemment, je me redressais, un peu plus, éclairée à la fois par la lumière de la fontaine et, en moindre mesure, par celle des étoiles, le parc n'étant pas éclairé par les lumières de la ville... Tableau qui aurait pu avoir des tendances même... Trop... Suggestives. Si ça avait été quelqu'un d'autre, je n'aurais pas imaginé la tête qu'il ou elle aurait pu faire. A part si ça avait été Beth, elle serait explosée de rire. Ou … Wyatt, qui serait probablement parti en courant. Et je ne préférais même pas parler de la réaction qu'aurait pu avoir Darren, rien que d'y penser, j'en avais des frissons d'horreur. Mais cette vision m'arracha un sourire, les yeux perdus dans le vague, avant d'ancrer ces derniers dans le regard – trop – profond de Nathanaël, sans réelle crainte de m'y noyer. Comme un papillon devant une flamme, en quelque sorte.


J'imagine que je restai un bon moment silencieuse, le temps qu'il intègre le fait que j'étais vraiment là, que c'était vraiment moi, que j'étais vraiment bourrée – plus ou moins – et vraiment dans cet état. Est-ce qu'il comptait comme un ex ? Parce que si c'était le cas, j'étais tombée encore plus bas que je ne le pensais. Mais je pense que je ne lui accordais pas ce « titre ». Nathanaël était un ami, un ami perdu de vue depuis un moment, certes. Alors, tout cela sonnait vraiment comme étant iréel, trop beau pour être vrai. Et puis, je me redressais, encore un peu plus, pour m'asseoir du moins, un large sourire au lèvres, habituel sur mon visage, qui plus est en sa présence.



Alors, je levais les bras, limite en signe de croix, avant de les laisser retomber, mais sur mes cuisses, en même temps que je croisais mes jambes sans cesser de le fixer. Certes, il valait mieux que je m'abstienne de lui révéler que j'avais décidé de ne pas lui répondre de peur de faire un faux pas. A croire que j'avais déjà oublié mes propres pensées. En parlant de pensées... A le revoir, j'en avais certaines qui venaient chatouiller mon esprit, des souvenirs, mais également des pensées qui tenaient plus du rêve, sans oser évoquer le mot « fantasme », même dans mon propre esprit. Ah. Trop tard. Mais il fallait avouer que, rien qu'au bureau, son regard qui brûlait ma peau... STOP ! Il fallait sérieusement que je me calme, voilà que j'étais prise d'une bouffée de chaleur...

  Elle ne répondait pas… Et le pire, c’est qu’il ne savait même pas dire s’il était rassuré, ou déçu. Peut-être avait-il été trop direct en lui demandant un rendez-vous ? Surtout après une telle… photo. Et après, c’était lui qui craignait de s’être montré déplacé ? Hm, cela ne devait donc pas être ça. Craignait-elle de ne pouvoir réellement rien lui refuser une fois que leurs regards se croiseront ? Ridicule ! Ils avaient passés bons nombres de moments ensemble, elle devait savoir sans l’ombre d’un doute qu’il n’abuserait de son état qui était loin de la sobriété. En réalité, il était même plus que probable que cela soit lui qui se retrouve dans une situation délicate avec elle lorsqu’elle avait un peu (beaucoup ?) forcé sur la bouteille. Donc, il était fort à parier que ce n’était pas cette hypothèse non plus. Plus simplement, elle ignorait que lui répondre ? Ou elle faisait le coup du « Tu vois, je ne te réponds pas dans la seconde, tu n’es pas si important que tu pourrais le croire. ». … Après des mois de silence, ce petit jeu serait un peu inutile. Non, elle devait buter sur les mots. À moins que cela ne soit un souci de crédit ?
  Hmm, il pensait trop…

  Alors, il rangea son portable dans la poche de son jean avec un faible soupir. Déçu, cette fois. Il aurait apprécié la revoir. Même quelques minutes. Comme si rien n’avait changé. Comme s’ils étaient toujours partenaires, amis, am… Ahem. Cela n’était arrivé qu’une fois. Secouant la tête, il passa une main dans ses cheveux, juste quand il déboucha de l’allée qui menait à la fontaine. Il adorait s’y arrêter un instant lorsqu’il revenait du travail. C’était devenu un lieu de réflexion, celui où il laissait vagabonder librement ses pensées. Mais jamais celles-ci n’avaient imaginé une chose pareille. Son pas se fit plus lent, presque hésitant, lorsqu’il crut reconnaître la silhouette étendue là. Avec une tenue assez… différente de en temps normal. Mais… Aucun doute, c’était elle. Cette certitude s’imposa à son esprit bien avant qu’elle ne prononce son nom, un léger doute se faisant discerner dans le timbre de sa voix. Du moins lui semblait-il.

  Ses pas s’étaient finalement stoppés, sans qu’il ne s’en rende compte pour être honnête. Il était désormais à moins d’une dizaine de mètres d’elle, une main dans la poche où se trouvait son portable. Si ses doigts étaient crispés autour ? Peut-être. De toute manière, elle ne pourrait pas voir la tension dans son bras vu sa veste noire qui le protégeait du frais de cette nuit de printemps. Son regard restait baissé sur elle, plus particulièrement sur le téléphone qui dégringola de son ventre à sur ses cuisses quand elle se redressa. Hm. Comptait-elle donc ne pas répondre, vu qu’elle n’était pas en train de taper un quelconque SMS lors de son arrivée ? Ou alors, c’était bel et bien le crédit… Qu’importe, le savoir ne changerait pas grand-chose à la situation, n’est-ce pas ?
  Un fin sourire étira ses lèvres lorsqu’elle prit la parole, inclinant la tête avant de s’approcher d’un pas. Sa main libre se faufila dans la poche de sa veste, alors qu’il la toisait d’un air un rien dubitatif. Il ne serait pas compliqué de comprendre que c’était à cause de sa tenue.

  « Tu dois avoir un don, Hannah… »

  Pour exaucer ses désirs, ou pour être au bon endroit au bon moment ? Allons, s’il précisait sa pensée ce ne serait pas drôle ! À elle d’interpréter selon son bon vouloir ! Surtout que son ton affable, même si on pouvait déceler un peu de malice derrière, n’était pas pour lui donner un petit indice quant à la bonne façon de prendre ses paroles.

  « Je crois que c’est le moment où tu m’expliques ce que tu fais seule au beau milieu du parc dans cette tenue, hm ? »

  Amusé. Et un peu accusateur. Il n’y avait plus qu’à espérer qu’elle ne s’agace pas du fait qu’il lui parle comme s’ils étaient vus la veille, alors qu’en réalité… La veille remontait à il y a plusieurs mois de cela. En même temps, elle aurait pu le joindre aussi, hm. Cette excuse n’était pas valable ? Tant pis.

Le jeu. Tout n'avait été qu'un jeu, dès la première seconde, dès le premier regard, le premier sourire, le premier mot. Je le savais. Au plus profond de moi je le savais. Une sorte de danse malsaine mais néanmoins particulièrement entraînante, et au fond amusante. Après quelques minutes passées à le dévisager en recherchant sur son visage les traits qui m'avait bluffée la première fois, quelque chose en moi pourtant criait à la trahison. On dit que c'est la chose la plus dangereuse pour un homme, une femme trahie. Bon, j'exagère peut-être un tout petit peu. Sa façon de parler... J'aurais pu lui balancer à la figure qu'il se foutait vraiment du monde à faire comme si on ne s'étaient jamais quittés. Et en plus, ça aurait été légitime, mais ça ne faisait pas partie du jeu, et ça ne faisait pas partie de ma façon de voir les choses, d'autant plus quand cette façon de voir était particulièrement modifiée par le taux d'alcool que je pouvais avoir dans le sang. Un. Sourires. Deux. Regards. Trois. Mots.



Oui, j'avais évité de rebondir sur sa première réflexion, le tout était de contrôler la discussion à son propre avantage. Mais non je n'étais pas manipulatrice. Ou du moins, j'essayais de m'en persuader. Et pourtant j'excellais dans le domaine. Il fallait bien, pour ne pas finir en prison et garder son « identité secrète », dont j'étais particulièrement fière d'ailleurs. Et mon regard avait suffit à extérioriser ce que je pensais de cette même réflexion. Je n'avais certes pas l'esprit très clair, mais je n'étais pas non plus prête à lui sauter dessus pour le violer sur l'instant. Bon. Si j'étais en train d'y penser, c'était bien que c'était dans un coin de ma tête, non ? Oh. Mon. Dieu. Qu'il ne me fasse pas son regard. Sinon je le mangeais.


Ah oui. Si je ne lui expliquais pas, c'était aussi que ça aurait tout brisé du mythe. J'avais été plantée par une de mes meilleures amies et ignorait si j'étais capable de rentrer chez moi sans attirer l'attention des gens louches d'Opal, c'était une bonne excuse ça ? Peut-être parce que c'était justement la vérité. Et que jamais je ne lui dirais un truc pareil. Après un long silence emplit d'une très légère tension, je relevais la tête vers les étoiles, glissant presque discrètement le téléphone de mes jambes à la poche de mon short. Short. Oui. Froid. Aussi. Enfin, pas encore, mais ce serait une question de temps. Une question d'alcool, une question d'ambiance.



Ironie, légère mais présente. Peut-être que j'avais quand même de la rancœur, d'une certaine façon, qu'il soit partit comme ça, qu'il est disparu. Mais. Il fallait bien que je le mette à l'aise, sinon ça allait pourrir ma soirée, et aussi la sienne sans doute, de plus ce n'était en rien mon intention. Baissant mon regard pour le toiser de haut en bas sans aucune gêne, je lui fis un nouveau sourire, beaucoup plus léger, et d'autant plus sincère. Avant de tapoter le rebord à côté de moi. Vu sa dégaine, on pouvait facilement penser qu'il attendait le moment opportun pour se tirer en vitesse. Rah. J'étais si effrayante ?



Menteuse. ♥ Promis je garderais mes mains sagement où elles étaient. Je commençais à y voir plus clair, et sincèrement, ça me faisait du bien de le voir. Au fond Beth avait eu raison de me pousser à le contacter. En plus de ça, je ne ressentais pas la gêne que je ressentais avec les gens qui traînaient avec moi. Non pas qu'il sache tout de moi, loin de là, mais j'avais peu de raison de lui cacher des choses. A moins qu'il ait rejoint Opal. Et là... Là... Vous connaissez la réplique « si je te dis ça je serais obligée de te tuer par la suite ? » disons que la situation aurait été très proche. Et ça non plus ce n'était mon intention.

  Il aurait pu se laisser aller à rire à sa première réplique, mais au lieu de cela il eut juste un large sourire en coin, inclinant la tête en avant durant quelques secondes avant de reposer son regard sur elle. Par-dessous ses cils. Peut-être était précisément ce regard qu'elle ne voulait pas qu'il fasse, mais jusqu'à preuve du contraire... Il ne lisait pas dans les pensées, n'est-ce pas ? Dire qu'il n'avait pas conscience de l'effet qu'avait son regard ne serait pas exactement un mensonge. Disons que quand il ne le faisait exprès, il ne s'en rendait absolument pas compte. Comme ici, en l’occurrence.

  « Cela retirerait surtout plusieurs hypothèses qui, je l'espère, s'avèrent être erronées... »

  Voyez-vous, même si les gens savent que telle ou telle possibilité est improbable, celle-ci lui traverse quand même l'esprit. Peut-être sans même faire d'arrêt par la case réflexion tellement elle est... impossible. Comme l'éventualité qu'elle ait brutalement changé de métier. Après tout, elle était assez intelligente pour ne pas tomber aussi bas. Contrairement à lui. Quoiqu'il n'avait pas atteint ce niveau... Et une petite voix qu'il appréciait autant qu'une écharde dans son index lui soufflait un « encore » des plus irritant. il n'était pas encore tombé aussi bas. Mais cela ne saurait tardé, avec les factures qui s'accumulaient et le salaire qui ne suivait pas. Enfin. Il pourrait peut-être essayé de demander une petite augmentation... ? Oui, il allait faire ça ! Mais pour le moment, l'heure n'était pas à se focaliser sur ses problèmes du quotidien. Mais uniquement sur la sublime femme qu'il avait eu un jour le plaisir d'avoir comme partenaire. Aussi bien au travail qu'au lit.
  ...Grand Dieu, il n'avait pas pensé ça.

  Il nota du coin de l’œil la petite escapade du téléphone, ne pouvant s'empêcher de se demander une fois encore pour quelle raison elle ne lui avait pas répondu. Même s'il avait essayé de classer le sujet sans suite un peu plus tôt. Hm... Non, il n'allait pas lui poser la question. À quoi bon ? En revanche, il haussa un sourcil lorsqu'elle mentionna son côté poétique. Elle devait très bien le cacher, alors... Ou c'était uniquement quand elle était sous l'emprise de l'alcool ? Allez savoir.

  Toujours un peu dubitatif, il finit par rire doucement avant de s'avancer vers elle. Ses mains restant bien à l'abri dans ses poches. La nuit était décidément bien trop fraiche pour un mois d'avril. Tout comme Hannah était bien trop accueillante après autant de temps de silence, elle aurait du l'étriper. Voire l'ignorer. Hn... Encore quelque chose qu'il devait à l'alcool très certainement. Sans lui, elle ne lui aurait très certainement envoyé de SMS aussi. Ou pas de ce genre.

  « Sur ce dernier point, je ne mettrai pas ma main à couper. »

  Et pour cause, elle était imprévisible. Et il ne doutait pas du fait qu'elle puisse faire preuve de sournoiserie. ...Mais peut-être pas à son égard et après autant de temps. Du moins l'espérait-il. Au lieu de s'asseoir, il se mit juste face à elle, si bien qu'elle devrait se torde le cou si elle désirait l'observer dans les yeux.

  « Depuis combien de temps es-tu ici... ? »

  Il pesa le pour et le contre de la proposition qu'il allait lui faire. Durant quelques secondes, avant de se dire qu'il allait d'abord attendre de savoir depuis combien de temps le froid agressait sa peau. Et aussi si c'était réellement une bonne idée. Car bien sûr, il ne doutait pas du fait qu'un chocolat chaud ou un thé lui ferait le plus grand bien, mais s'il l'invitait à boire un verre, cela signifiait discuter. Entre autre du job qu'il faisait maintenant - si elle n'était pas déjà au courant, vu le nombres d'affaires qui trainaient autour du club. Qui sait, peut-être même l'avait-elle aperçu en plein trav... Non, en réalité, il préférait ne pas savoir.

Elle le toisa de haut en bas, tellement de fois qu'on aurait pu se demander si elle n'était pas en train de regarder un matche de tennis ou un truc de ce style, enfin, pas dans le même sens, certes, mais bon, c'est l'intention qui compte hein. Elle finit par se demander s'il n'avait pas réellement peur qu'elle finisse par le dévorer. Dieu savait qu'elle avait l'appétit féroce, mais on abusait pas des bonnes choses quand même. Non pas qu'elle soit en train de penser que... Okey, elle se taisait, elle n'était plus là. Elle finit par éclater de rire en voyant qu'il était inutile qu'elle lui face de la place, alors elle s'allongea à nouveau sur le rebord de la fontaine, détendue, surtout grâce aux vapeurs d'alcool qui faisaient naître une brume d'illusions dans son esprit. Cependant elle était parfaitement consciente de certaines choses. Du fait qu'elle abusait un peu, peut-être, à s'exposer, comme ça. Mais elle n'avait rien à craindre. Ok, c'était plus qu'elle ne craignait rien, là, dans l'instant, le moment des regrets viendrait forcément plus tard.



Elle avait lâché cela avec un tel naturel que c'en était déconcertant. Si on omettait le fait qu'elle avait fini par éclater de rire pour finir par soupirer calmement en passant ses bras derrière sa nuque pour surélever son visage, ce qui était bien inutile puisque dans tous les cas il était beaucoup trop … Grand pour elle. Entre autres. Il était beaucoup « trop » pour elle, voilà qui résumait atrocement bien le fond de sa pensée. Mais pourtant elle était légère, ou du moins elle se sentait calme. Mais pourquoi fallait-il qu'il la regarde comme ça ? Pourquoi fallait-il qu'il le fasse exprès ? Elle finit par simplement battre des cils doucement avant de fermer ses yeux clairs. Non mais. Elle aussi elle connaissait les bases du charme, fallait pas croire. Même si elle était tout aussi douée pour casser ce même mythe.



Elle se stoppa dans sa phrase, ne préférant par la continuer, et puis elle ouvrit un œil pour le toiser avec plus de discrétion et lui tirer la langue, pour ajouter, toujours aussi posée.



Elle aurait pu sortir de tas de fins à sa phrase, des fins inattendues ou même des fins un peu particulières, voire violentes et pas très classes, hein. Mais elle avait préféré rester dans le soft, chose qu'elle ne faisait que rarement, quand on y réfléchissait l'espace d'un instant. Oui. Hannah et le soft, ça faisait bien deux. Sauf parfois lorsqu'elle prenait sur elle pour une mission. D'infiltration. Alors elle devenait atrocement fausse, du moins à ces propres yeux même si elle restait bonne actrice. Elle était le cerveau. Du moins de son équipe à elle, qui ne comportait pas beaucoup de membres, certes.



Elle avait finit par rire, un peu plus nerveusement en se redressant sur les coudes en rouvrant grand ses deux yeux pour le toiser réellement et avec intensité cette fois, sans détour, elle n'aurait pas dû se comporter comme cela avec un gars qu'elle n'avait pas croisé depuis des mois. Mais comment se comporter avec un ami ? Bon. D'accord. Il lui avait carrément vendu du rêve avant de la lâcher, mais hein, on tombe pas toujours sur les bonnes personnes. Elle l'avait accepté. Elle avait pansé ses blessures, elle avançait sur son chemin, calme et sereine. Elle cherchait un nouveau point d'attache, mais offrir plus que du temps et de l'attention à quelqu'un s'avérait difficile. Non pas qu'elle soit une fille totalement brisée ou quoi, elle était méfiante quant aux autres. Surtout quant aux hommes qui la prenaient toujours de haut sans aucune pitié, pleins de préjugés.

  Lui qui songeait qu'elle allait attraper un torticolis si jamais elle gardait la tête levée trop longtemps pour l'observer, elle régla à merveille le problème en s'étendant, l'air de rien, comme s'il ne s'agissait pas du rebord d'une fontaine mais d'un canapé moelleux. Ce qui lui faisait penser qu'il avait hâte de regagner son appartement, et puis son lit, manquant cruellement de sommeil ces derniers temps. Enfin... Ce n'est pas comme s'il pouvait se permettre de prendre un jour de congé pour une raison aussi futile que « faire la grasse matinée », alors inutile de se plaindre davantage là-dessus. Surtout que s'il prenait congé à chaque fois qu'il était fatigué, il finirait comme Hannah. Sans emploi, et dans la font...

  Pardon ?

  Il cligna des yeux un moment, observant la jeune femme d'une telle façon qu'il trahissait le fait qu'il avait compris avec un temps de retard le fait qu'elle venait de dire une énormité. Laquelle lui arracha d'ailleurs un léger sourire, ou plutôt l'esquisse d'un sourire. Il serait vraiment curieux de savoir combien de verres, de bouteilles, et surtout de quelle boisson, elle avait consommé pour en arriver à ce stade. Au moins, elle avait l'air de savoir tenir dr... C'était peut-être pour cela qu'elle s'était recouchée ? Zut.

  Toujours les mains dans les poches, il sourcilla doucement en entendant son début d'explication qui contenant le prénom de Beth. Il se demandait même pourquoi cela l'étonnait, cette fille avait beau être des plus sympathiques, elle n'était peut-être pas le meilleur exemple à suivre. À ses yeux tout du moins. Mais cela ne lui disait pas depuis combien de temps exactement elle l'avait abandonnée dans le parc habillée comme une... Oui, voilà, comme elle disait. Ahem.
  Pour finir, il inclina un rien la tête sur le côté, la toisant paisiblement. Out ? Permettez-lui de dire que le terme était faible. Pour qu'elle en vienne au point de dire qu'elle vit dans la fontaine... Maintenant, elle était assez sobre pour éviter d'être trop clash envers elle même vu son hésitation avant le « Fille bourrée et pas très nette ». De fait, il ne pouvait pas complètement la blâmer. Sauf si elle marchait en tanguant. À noter que cela le ferait sourire !

  « Je vois ça, oui... »

  Comme quoi, ses paroles n'étaient pas aussi graves que ses pensées, tant mieux d'ailleurs. Vu le peu de mots qu'il prononçait, cela aurait été fort. Il se recula d'un pas quand elle se redressa, conscient qu'il lui faisait un peu trop lever les yeux vers le ciel vu son mètre quatre-vint-trois. Déjà qu'elle minuscule, mais en s'affalant en plus sur une fontaine, elle faisait fort !

  « Tu habites loin ? Je vais te raccompagner chez toi, je pense que cela vaut mieux. »

Maintenant qu'une brise fraîche l'avait un peu mieux réveillé, il songea qu'il était hors de question qu'il la ramène chez lui. Déjà car il avait envie de dormir dans son lit et que sa galanterie le pousserait à lui céder ce dernier pour aller dans le canapé – oui, c'était une raison futile. Ensuite car... il ne voulait qu'elle sache où il habite. Et il craignait un peu le lendemain, autour du petit-déjeuner. De fait, autant la ramener chez elle, éventuellement l'aider à se mettre au lit, pour ensuite retourner dans son appartement en faire en même. Allez, avec un peu de chance, il sera au lit avant l'aube. Seul dans ce dernier, de préfér... Il n'avait pas pensé à cette autre possibilité.

Parfois, quand elle était nette et qu'elle bossait, par exemple, Hannah était prise de remords. Face à ce qu'elle n'avait pas fait. Ou du moins ce qu'elle n'avait pas assez fait. Et si elle avait plus défendu Nathanaël, et si elle était parvenue à convaincre les autorités «  du dessus » qu'il n'avait pas à être viré comme un élément perturbateur et rien de plus. … Et si ils avaient continué à se fréquenter ? Mais elle lui en voulait. Oh dieu qu'elle lui en voulait. Alors elle l'avait défendu, mais c'était arrêtée dès que ça avait sentit un peu trop le roussi à ses yeux. Du coup, elle s'était contenté de passer son chemin, avec ses regrets. Elle s'était réellement attaché à lui. Bien sûr. Plusieurs années passées à se voir quasi quotidiennement ça aide non ? Mais comme elle se le répétait, avec des « et si » on referait le monde. Sauf qu'ils n'existaient pas, et vivre dans les regrets n'apporte absolument rien de bon.


Elle avait pansé ses plaies. Elle s'était relevée. Elle avait continué à vivre. Ce n'était qu'une déception de plus à ajouter à sa liste, elle savait comme faire. Au final, au fil des années, elle s'était construit une carapace, et en apparence, elle ne s'attachait à personne. En apparence elle était amicale, mais jamais sans plus. En apparence oui... Qu'en était-il, à l'intérieur de son être ? Femme blessée... En fait. Non. Elle le vivait bien. Elle qui avait toujours un énorme sourire collé aux lèvres et l'air naïf d'une petite fille qui courrait dans les montagnes... (Non, c'est pas une référence à Heidi... En fait si.)


Bref. Elle l'observait. Et plus elle l'observait, et plus elle plongeait dans le passé. Comme si c'était une malédiction qui était en train de l'emprisonner et d'enserrer son cœur dans une prison de ronces. (Référence à Rapunzel ? Mais non ..) Bref². La jeune femme fini par secouer la tête en se redressant légèrement avant de hocher négativement la tête. Elle n'habitait pas loin. Et elle était capable de rentrer toute seule sans qu'on lui tienne la main. M'enfin, s'il tenait, elle n'allait pas dire non, cela va sans dire.


À présent, elle avait froid. Elle était en train de désouler, et une chance qu'elle avait pas l'alcool trop mauvais sinon elle se serait mis à pleurer sur tout le malheur de sa misérable existence. À la place, elle se redressa pour se mettre debout sur le rebord de la fontaine et arriver à le dépasser de quelques centimètres. Alors, Hannah se mit à l'observer de son petit regard à mi-chemin entre l'amusement certain/la complicité et la fierté pure et dure.



Bizarrement, elle avait parlé d'une voix mélodieuse, elle chantonnait presque d'ailleurs. Et puis, elle fit la chose la plus stupide qui soit. Pas vraiment volontairement d'ailleurs, elle glissa dans la fontaine, visiblement elle avait sous estimé ce qu'elle avait pu boire. PLOUF .. ! Les fesses dans l'eau froide et le jet lui tombant pile sur la tête, elle ferma un oeil et releva les yeux pour le toiser d'un air désolé. Dans sa chute elle avait éclaboussé à plusieurs mètres. Dont lui. Pas de chance...

  Jamais le poids d’un regard ne lui avait paru aussi lourd. Il avait beau jouer les nonchalants, mains dans les poches, parfaitement à l’aise bien que réservé face à celle qui avait été, le temps d’une nuit, sa… bref, la réalité était tout autre. Il se sentait coupable, comme le pire des salauds qui profite d’une femme un soir en lui promettant de la rappeler le lendemain sans jamais le faire. En fait… C’était un peu ce qu’il avait fait, non ? … Il ne devrait pas partir sur ce genre de pensées, mais sa fatigue ne l’aidait en rien à garder la tête froide. Le passé est le passé, et du moment qu’elle n’en parlait pas, il allait en faire de même. Et même si elle y faisait allusion, il changera de sujet. Voilà. C’était aussi simple que cela… Dans la théorie.

  Il leva les yeux quand elle se redressa, cachant son amusement de voir qu’elle le dépassait de si peu en étant pourtant débout sur le rebord. Ah, sa petite Hannah… S’il ne se contenait pas, il ne compte déjà plus le nombre de fois où elle se serait vexée à cause de l’un de ses sourires mutin dont il a le secret. Peut-être même se serait-elle plantée face à lui, mains sur les hanches, le regard plongé dans le sien dans une attitude provocante qui se voudrait intimidante alors que cela n’aurait fait que l’amuser encore plus. Il hausse un sourcil à ses mots, secouant la tête dans une négation muette, l’air toujours aussi… peu naturel, pour être honnête.

  « Je doute uniquement de ta capacité à… »

  …tenir debout ? Il n’eut aucun mouvement de recul, pas plus qu’il ne tenta de la rattraper vu qu’il ne l’avait absolument pas prévu. Au lieu de cela, il se crispa, les mains profondément enfoncées dans ses poches, ses yeux se fermant pour se protéger des gouttes. Dieu merci, il avait une veste en cuir… Mais, lui qui se plaignait d’être mal réveillé, l’eau froide sur son visage se fit un plaisir de lui faire le même effet qu’une gifle.

  « Hannah… »

  Il soupira son prénom, désespéré, reposant un regard réprobateur sur elle. Bon, il allait peut-être la sortir de là, hm ? Il s’approcha de la fontaine et lui tendit la main, un pied sur le rebord, l’autre solidement campé sur le sol. Ce n’est pas qu’elle était lourde, mais il craignait un coup en traître, du style tirer sur son bras pour l’amener dans l’eau avec elle histoire de se venger de l’étincelle de malice qui brillait malgré tout dans son regard. Si l’eau avait moins froide, s’il ne faisait pas attention à paraître distant et si elle n’était pas saoule, il n’aurait pas manqué d’éclater de rire. Et ça, peut-être en avait-elle conscience.

  « Allez, viens-là, mon petit poisson. Je ne voudrais pas être inculpé pour non-assistance en personne en danger ~ »

  Tiens… Celle-là, il n’avait pas pu s’en empêcher, ponctuant sa phrase d’un léger clin d’œil. Chassez le naturel, il revient au galop.

Elle le regardait lui tendre la main avec un sourire plus sincère, plus joyeux. Plus réel. Plus présent. Plus elle, en somme. Parfois, elle se disait qu'elle était un peu stupide de l'avoir laissé filer, qu'elle était stupide de pas avoir eu le courage de tenter sa chance d'une façon plus... Moins professionnelle. Mais elle savait que sa chance était passée, et qu'il avait sans doute beaucoup d'autre préoccupations bien plus fondamentales que sa relation avec elle. Cependant, elle avait cet espoir. Cet espoir stupide. Non pas qu'elle rêve absolument d'être en couple pour le fait d'y être, ni pour le fait d'avoir une personne près d'elle, ni pour le fait de ne pas être seule, ça n'avait rien à voir avec ça. Elle voulait juste vivre une aventure, et oui, elle aurait pu voyager à travers le monde pour compenser, mais sa place était ici. Elle avait son boulot, ses amis, son cousin, son appart, son petit confort et sa fonction de double jeu. En dehors d'ici, elle n'était plus rien. Et peut-être bien que ça lui faisait peur. Peut-être bien qu'elle cherchait quelqu'un pour la rassurer.


Elle releva la main pour attraper la sienne et y glisser ses doigts, l'idée de l'attirer à elle était tentante, mais elle savait qu'il était assez malin pour s'en douter, du coup elle profita du contact de sa peau un instant, laissant un frisson parcourir son bras avant de tirer dessus pour se relever, retrouvant le vrai sol sous ses pieds, loin de l'humidité. Alors seulement elle releva les yeux pour l'observer, des perles d'eau sur ses longs cils noirs, et puis elle se mit à sourire à nouveau. Hannah avait cet air de petite fille qui se cachait derrière ses atouts de femme charismatique. Charismatique... Encore une image qu'elle renvoyait mais qu'elle n'était pourtant pas tant que ça. Au bout de quelques instants à l'observer, elle réalisa que la peur de tomber en arrière et l'eau gelée lui avaient clairement les idées en place. Elle secoua la tête puis se mit à rigoler.



Elle le gratifia d'un nouveau sourire, plus mesquin, puis fit un pas en arrière pour s'appuyer sur le rebord de la fontaine, de là elle posa sa main sur son épaule pour approcher son visage du sien en le fixant dans les yeux.



Elle resta silencieuse l'espace d'une seconde ou deux avant de poser un baiser sur sa joue. Ou plutôt au coin de ses lèvres, à vrai dire. Et puis elle sauta beaucoup plus agilement du rebord pour atterrir un demi mètre plus loin et le gratifier d'un signe de la main amical.



Elle sautilla jusqu'à l'entrée du parc avant de se retourner une nouvelle fois pour lui sourire avant de filer dans la rue, malgré le fait qu'elle était tellement trempée qu'on aurait pu la suivre à la trace. Elle attendit d'avoir dépassé le bout du parc et d'être totalement hors de portée pour se mettre à rougir, se persuadant que cela n'était dû qu'au froid, même si elle savait pertinemment que ce n'était pas le cas. Il n'y avait plus qu'à prier qu'il décide de rentrer gentiment chez lui, et elle songeait très fort que c'était déjà ce qu'il faisait. Puis qu'il finirait par la rappeler quelques jours, semaines, mois plus tard.