Tout était si sombre. Et pourtant, mon cœur battait la chamade. Je savais que mon ange gardien était là, quelque part, tapi dans l'obscurité, mais elle me protégerait. Forcément. A force de vie en coopération, j'avais apprit à détecter sa présence et à m'en rassurer. La main posée sur ma hanche, sous ma veste, j'étais prête à tirer l'arme et à la braquer sur le premier vilain que je verrais. Je n'étais pas en filature officielle, disons que parfois, je me mettais à travailler en solo. Et c'était nécessaire quand certains membres d'une certaine organisation nommée Opal en apprenaient un peu trop à votre sujet. En gros, j'éliminais les petits poissons qui, à mon goût, remuaient beaucoup trop la vase.


A l'entrée du cimetière, j'entendis la grille rouillée grincer dans un son tellement sinistre qu'elle finit par me glacer totalement le sang, mais un bruissement familier me rappela que je n'étais pas seule dans ma lutte, et que si une des balle dans mon flingue ne mettait pas un terme au problème, les griffes de ma coéquipière s'en chargeraient. Et pourtant, aucune trace du petit poisson. Oui, je ne préférais pas humaniser ma cible, j'allais finir par culpabiliser, et j'avais assez de problème pour pas finir démembrée – littéralement parlant – par un général d'Opal et culpabiliser en plus de ça. Glissant entre les tombes avec une démarche particulièrement féline, ma chevelure claire dissimulée sous ma capuche, je restais silencieuse, c'était à peine si je respirais. Cependant, au bout de quelques minutes à scruter avec acharnement les environs et lorsque j'apperçu un éclat vermeille du pelage de ma sauveuse, proche de moi, je dû me rendre à l'évidence qu'il avait dû prendre un autre chemin.


Boum boum boum boum. Mon cœur battait encore à tout rompre, l'adrénaline me poussait à voir si bien chaque détail, à étudier chaque possibilité, chaque trajet, que cela finit par m'inquiéter. Qu'allais-je faire si je devenais une meurtrière ? Je travaillais à arrêter justement des meurtriers. Et pourtant, les pires d'entre eux étaient nos grands patrons. Ironique. A croire que c'était simplement devenu la mode. La surpopulation il paraît. Même si ce genre de problème n'était pas censé toucher le continent nord américain. Et enfin, elle, je l’appelais toujours elle, laissa un œil brillant s'attarder sur moi entre deux branches d'arbre. Elle percevait un danger. Mais pas humain. Je le lisais dans son regard.

Mon cœur battait si vite et si fort que j'étais sûrement à deux doigts de la rupture d'anévrisme. Et lorsque le petit cri inconnu vint troubler le silence du cimetière, je fis un bond pour me retourner, naturellement lorsque je vis la petite chose flotter dans les airs, je ne su s'il fallait que je me rassure ou, qu'au contraire, je prenne mes jambes à mon cou. Par habitude, et un peu de recherche, j'étais tout de même capable de reconnaître un pokémon spectre lorsque j'en voyais un. Et nul doute que celui ci... Je savais aussi que les attaques normales ne le toucheraient pas. Je remerciais le destin d'avoir placé sur ma route un pokémon tout sauf normal, justement.


Sans que je n'eus rien d'autre à faire que je me remettre droite, Farfuret sauta de l'arbre sur une tombe à bonne distance de l'autre pokémon. Je savais qu'il y avait un moment avant le combat où les deux pokémons se jaugeaient, évaluaient leur niveau respectifs. C'était sans doute comme nous avec les autres humains. J'espérais juste que je ne finirais pas en casse-croute à pokemon spectre, et croisait les doigts. Elle était parfaitement immobile, comme si elle avait fait partie du décor. J'espérais aussi boucler tout ça aussi vite que possible. Les pokémons je me passionnais, il était vrai, hors faire un combat au cimetière, en pleine nuit, sachant que la ronde d'Opal et des forces de l'ordre ne tarderait pas à me trouver ici, ça, ça ne me remplissait pas d'une joie immense, il fallait le reconnaître. Après un moment de silence, je m'éclaircissais la voix.



Pas de politesse ni d'encouragement entre nous, je savais ce dont elle était capable, il lui suffisait de faire comme d'habitude. Même si là, j'avais pris un chemin beaucoup plus obscur pour moi, après tout, cette attaque était toute nouvelle pour moi, c'était la première fois que je m'y risquais, mais d'après mes recherches, elle ne pouvait pas échouer. Nous ne pouvions pas échouer.

La façon dont le pokemon sauvage s'attaqua à Farfuret me serra le cœur. Avant tout parce que j'ignorais un peu les dégâts qu'il pouvait réaliser sur ma petite boule de poils préférée, et en plus, les spectres... J'en avais un assez mauvais souvenir. Et pourtant, poussée par un pic d'adrénaline, je jetais un œil à Farfuret dont les yeux étaient toujours aussi brillants et lui lançai un léger hochement de tête, claire. J'étais avec elle. Me tenant droit sur mes pieds, j'observais le pokemon avec attention, déglutissant avec difficulté. J'étais terrorisée, au point que j'en avais les jambes qui tremblaient comme une gamine squattant dans un manoir supposé hanté. Mais le cimetière était infesté de pokemons spectres, j'aurais dû le savoir, cependant, encore une fois, je n'avais écouté que mon instinct, et il n'était pas assez habitué à la variable « créatures apparues depuis cinq ans seulement ».


Mais dans ma tête battait la rage d'avoir perdu de vue ma première et peut-être même dernière victime. Je devenais réellement mauvaise ? Mais contre des gens mauvais, est-ce que ça comptait aussi ? Vraiment ? Je n'en étais pas sûre, peut-être que ce pokemon terrifiant avait sauvé mon âme ? Allez savoir, tout était possible à présent, et je ne me serais étonnée de rien dans ce nouveau monde. Agitant doucement les doigts de ma main droite, je les empêchais de se laisser engourdir par la peur, et le froid.



La rapidité de mon pokemon m'avait toujours laissée rêveuse, parfois, il bougeait tellement vite que sincèrement, je ne le voyais même plus. D'ailleurs, lorsque je me baladais, que j'étais quelque part, je savais qu'elle était là, cachée dans l'ombre, et qu'elle veillait constamment sur moi. Même si nos débuts avaient été un rien difficile, il n'en restait pas moins qu'elle m'avait sans doute bien souvent tirée de mauvaises passes.

J'étais stupide ou je le faisais juste exprès ? L'air que me lança Farfuret me glaça le sang. On avait beau s'entendre à la perfection, elle avait toujours cet air de meurtrière, y avait pas à dire. Je ne su pourquoi, mais ma concentration dériva le temps d'une seconde, afin de regarder autour de nous, aux aguets, comme d'habitude lorsque j'étais Hannah la dresseuse à l'identité secrète super espionne de choc. Ou pas. Mais presque, je vous assure. Bref, j'espérais juste qu'aucun autre pokemon spectre ne sorte d'entre les tombes. Voire pire, j'espérais encore plus qu'aucun membre d'Opal ne me tende un piège. J'avais le droit de me défendre contre un pokemon sauvage, mais c'était pas non plus très bien vu en pleine nuit dans un endroit aussi glauque.



L'intéressée tourna la tête dans la direction du pokemon qui l'observait en voletant avec adresse. Ben tiens, le contraire m'aurait étonnée, elle refusait de me regarder maintenant. C'était de mieux en mieux. A croire que j'allais finir avec des problèmes de couple. Avec mon pokemon. Oula, je disais vraiment n'importe quoi. Non, enfin, je le pensais. Enfin... Bref. Passons.



Je parlais vraiment bas, mais je savais qu'elle entendait et comprenait parfaitement ce qui sortait de ma bouche, et d'ailleurs, elle se précipita sur le pokemon, toujours si rapide qu'elle en devenait difficilement visible, toujours un peu impressionnante à mes yeux. Chose que j'évitais de lui dire. Je savais aussi que bien elle aurait des attaques de type glace, bientôt, et je savais que mon appartement allait sûrement en fait les frais. Cependant, malgré tout ce que je pouvais lui dire, je tenais réellement beaucoup à elle, et nombre de fois elle m'avait sortit de mauvaises passes en cinq longues années.

J'observais le pokemon avec une certaine pointe d'hésitation. Vu dans l'état où il était, il était probable qu'une nouvelle attaque l'achève... Ça aurait été la façon la plus simple de s'en sortir, enfin, de pouvoir recommencer mes recherches. Mais une petite voix dans ma tête continuait à me dire que je ne retrouverais pas celui qui avait occupé un petit bout de ma soirée et de ma nuit, bien malgré moi. Cela m'arracha une grimace d'impatience, alors que Farfuret attendait visiblement mes ordres. Je glissais une main dans ma poche, jouant avec l'objet qui s'y trouvait, avant de soupirer très légèrement, une seconde, puis une autre...


J'attrapais la petite balle, en sentant mon cœur s'emballer, jusque là, je n'avais jamais tenté cela. Et j'avais toujours gardé ma réserve sur moi, au moins une, au cas où ce genre d'occasion se présentait. Mais ce pokemon, ce Feuforeve, avait des capacités étonnantes. Alors j'appuyais sur le petit bouton en la sortant de ma poche, la sphère rouge et blanche se mit à grandir, avec un léger « pop ! » et je la lançais, d'un tir adroit comme j'en avais longtemps subit l'entrainement, sur le pokemon qui voletait en me fixant.


Dès lors, et sans doute pour la première fois, ou du moins depuis mon dernier enlèvement, je priais pour que tout se passe à merveille. Le problème, c'est que la dernière fois, ça n'avait pas franchement été le cas. Mais il me fallait un peu de chance, j'observais le procédé agir, et la sphère remuer par terre alors que Farfuret en faisait de même, après m'avoir lancé un regard suspicieux. Peut-être ne voulait-elle pas que j'agrandisse mon équipe, et à vrai dire, c'était légitime, mais jamais aucun pokemon ne pourrait remplacer ce qu'elle était, et le lien que nous avions.